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La lettre

 

Elle est arrivée ce matin.

Postée du quartier d'Analakely, elle a voyagé pendant deux semaines.

Ce "Madame Nathalie" écrit avec application... L'expression me transporte immédiatement à Madagascar bien sûr, je n'ai qu'à me retourner pour être au marché, au milieu des petits étals multicolores.
Ce "Madame Nathalie" qui me colle aux oreilles où que j'aille, parce que j'ai beau dire "Pas besoin du Madame, juste Nathalie, ça sera très bien", c'est peine perdue... L'usage veut qu'à Madagascar, on marque le respect envers son interlocuteur en faisant précéder son prénom du Mademoiselle/Madame/Monsieur.

La lettre dit que nous nous sommes croisées à Ambodiafontsy au mois de juin, qu'elle est allée chercher les parents de Faniry pour moi, qu'elle n'a pas osé venir me parler, qu'il y avait beaucoup de gens, trop pour qu'elle n'ose prendre le temps de chercher ses mots... Peur de manquer de temps pour me parler "directement"...

Je me replonge dans cette journée où j'ai remis les bourses d'études à l'école, j'essaie de me souvenir de l'arrivée des parents de Faniry, de qui les accompagnait, je devine une silhouette en blouse blanche, peut-être un visage, je ne suis pas sûre.

Je me rappelle que je suis restée deux heures à attendre en plein soleil, à fouler de mes tongs la latérite de la cour, parce que la directrice ne m'attendait que dans l'après-midi, que l'école était déserte, que le message n'était pas bien passé, que j'avais oublié de prendre des bonbons pour les petits, qu'il y avait le mot Love cousu sur mon pantalon.

La lettre dit qu'elle s'appelle Jeannine, qu'elle est institutrice pour les plus petits et qu'elle ne parle pas le français. Mais qu'elle "doit" écrire cette lettre.

Je balaie ma mémoire pour en extirper une image, je revois tous ces petits tabliers bleus, les roulades dans l'herbe à l'insu de la directrice, les joyeuses bousculades autour de la caméra, les parents lissant leurs vêtements sous le petit préau, mais je ne vois pas Jeannine.
Il faudrait pouvoir tout capter, voir les signes, reconnaître les espérances, les regards, n'en rater aucun, ou ne jamais le savoir pour n'en regretter aucun.

La lettre est l'histoire de millions d'autres Jeannine à Madagascar, l'argent qui manque et l'école à quitter brusquement pour devoir travailler. Simplement.
Et puis une lettre pour inverser le destin de ses soeurs qui ne retourneront pas au collège en septembre. Ce n'est pas une supplique, juste une espérance, celle de "votre arrivée ici encore qui peut m'aider de résoudre l'écolage à payer. Selon la possibilité qu'il y en a".

Et tout parait si possible, quand on s'y met un peu.

J'ai un rallye à inventer et une lettre à écrire.

Commentaires

  • Pfff. Alors voilà, maintenant on ne va même plus pouvoir râler que le rallye est dur, qu'il y fera trop chaud, trop froid ou trop pluvieux, parce que forcément, on pensera à Jeannine.rnrnEt c'est encore mieux comme ça.rnrnDis lui qu'on va carburer pour l'écolage, de notre part, d'accord ?

  • Ah ben c'est sur que ça fait sérieusement relativiser tout ça ... Effectivement, ça donne une motivation supplémentaire, de mettre un nom sur notre 'but' ! rnrnMotivées, motivées, on est très motivées :D

  • Bah voilà, le courrier passe mieux de Madagascar à Boulogne-Billancourt que de Paris à Boulogne...... suis-je bête, y'a un RER direct pour aller à Mada ! La prochaine fois pour envoyer les inscriptions, je sais ce qu'il me reste à faire.... je les donne à Jeannine !

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