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News II - Murmure


Elle ne faisait que passer alors que je tournais une vidéo dans Tana cet après-midi.

Sa silhouette s'est gravée malgré elle, s'imposant au coeur des notes de Moby que j'écoutais à ce moment-là.

Je ne l'avais pas vraiment remarquée, l'oeil rivé ailleurs sur je ne sais quoi. Jusqu'à sa main posée sur mon bras. Doucement.

Je l'ai découverte à côté de moi, toute petite, emmitoufflée dans son lambahoany malgré un soleil de plomb et le mercure à 27°.
J'ai d'abord vu ses pieds nus et son sac en plastique rempli d'emballages vides, avant de croiser son regard dépossédé par la cataracte. Derrière l'épais voile blanc, j'imagine qu'elle devine plus qu'elle ne voit à présent.

Elle a les mots pudiques et le geste timide, pas de discours tout prêt sur la vie trop dure, elle murmure... pas besoin de plus pour l'entendre, puisqu'il n'y a tellement rien à dire de toute façon...

Il n'y a pas de sécurité sociale à Madagascar, le SMIC est à 20 euros, les retraites tiennent de la survie quand elles existent, on peut espérer y vivre jusqu'à 53 ans, autant dire que sans la solidarité familiale entre générations vous pouvez mourir sur un trottoir en regardant vos mains déformées par le travail de toute une courte vie. A moins qu'une cataracte ait la délicatesse de vous épargner ce spectacle sur la fin.

L'impuissance désarme parfois. Je l'oublie le plus souvent heureusement.

Du riz, une brique du jus d'orange, son sourire apaisé pour un temps... Elle continue de descendre la rue et moi de rester là. Je l'ai regardée s'éloigner, passer de petite à minuscule, d'anonyme à invisible. Invisible, mais vivante quelque part dans cette ville.

Pour combien de temps ?

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