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Ambohijatovo et le caillou magique

Une chef d'entreprise et amie malgache me disait un jour que contrairement à une création d’entreprise où réussir s’impose puisque le cas échéant la sentence est sans appel, nous n’avions pas la même pression au sein de Pokanel car l’échec éventuel de nos projets n’aurait pas pour conséquence notre faillite...

Certes. 

Sauf que nous n’envisageons pas de retour possible à la case départ.

Nous avons décidé que cela devait pouvoir marcher. Imaginer, proposer, distraire, étonner, faire découvrir, enthousiasmer à Paris… pour avancer, développer, construire, scolariser, soulager, soigner, sourire à Madagascar. C’est la seule manière dont on envisage l’avenir.
Que nous voulons lumineuxPas moins.

Non, évidemment, Pokanel ne ferait pas faillite, pas au sens financier du terme.

Mais la faillite humaine serait réelle. Parce que "tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...", autant de roses que Pokanel envoie à l'école, soigne, nourrit, éduque, distrait... et dont nous sommes responsables à présent. 

pokanel,madagascar

C'était un dimanche après-midi à Antananarivo...

Le dimanche, il semble toujours souffler comme un vent de sérénité sur Tana la bouillonnante. Moins de circulation, moins d’agitation. 

Au parc d’Ambohijatovo, cet après-midi-là je travaillais au milieu des rires des enfants. Les trois prochaines semaines allaient être intenses, ponctuées d’entretiens décisifs pour Pokanel, autant de rencontres à provoquer, de projets à monter, autant d’opportunités à saisir, d’essais à transformer et 2000 kilomètres de piste à parcourir.

Assise dans l’herbe, j’observais aussi le manège des fillettes qui descendaient le toboggan en glissant accroupies sur les pieds pour ne pas abîmer leurs belles robes du dimanche. Depuis quelques minutes, je sentais un petit groupe d’enfants qui me dévisageait en se poussant du coude, avançant vers moi d’un mètre toutes les trente secondes. J’essayais de ne pas rire et de graver ce que je lisais dans mon cerveau. J’y étais presque arrivée quand je fus rejointe par la plus petite du groupe, sans doute aussi la plus téméraire. 

De bonne grâce, Soa se présenta en sautillant sur place, elle aurait bientôt 4 ans, avait un frère « plus grand » et une poupée nommée Daisy. Elle avait aussi un petit caillou dans la poche qu’elle m’exhiba fièrement ; la pierre légèrement rosée faisait l’objet de convoitises au sein du groupe apparemment... parce qu’elle était « magique ». Ah… magique, comment ? Elle « donne tout ». Hum… 

Soa va-t-elle à l’école ? Non. « Parce que c’est trop cher ». Rien dans son ton ne trahit l’amertume ou la tristesse. C’est trop cher et on doit l’accepter, alors elle accepte. Les enfants à Madagascar ressemblent à des enfants sans en être tout à fait. Des enveloppes d’enfants avec un sens aigu du devoir et des responsabilités. Très jeunes. Trop mais la vie l’impose. 

J’avais moi aussi au fond de mon sac un objet magique. Je sortis ma caméra, pris une photo et retournai l’écran vers le groupe… Les enfants s’exclamèrent de surprise et de joie en se découvrant à l’image. Les prises se répétèrent encore et encore. Les cris de joie amusaient tous les parents aux environs. J’ignorais combien ils étaient à présent, cinq au départ, cinquante peut-être ensuite. Je proposai qu’on s’assoit un peu pour se reposer de la dynamique séance photos.

Soa, à côté de moi, attrapa ma main et commenca à jouer avec mes doigts en les comptant, attendant que j’acquiesce après chaque chiffre, iray… roa… telo… efatra... dimy… Mais il me semblait qu’elle avait perdu un peu de son bel enthousiasme du début. Un peu déçue qu’on ne prenne plus de photos ? Non. Mais Soa trouvait ma caméra « plus magique » que sa pierre… Ah.

Je n’avais malheureusement pas les moyens d’échanger ma caméra contre un caillou, fusse-t-il très très magique… Je redemandai à voir la pierre et la regardai de plus près. 

-Je ne suis pas d’accord avec toi Soa, je trouve ta pierre beaucoup plus magique que ma caméra ! 

-Non, elle ne donne rien ! 

Je mis la pierre à mon oreille 

-Si. Elle est plus magique parce qu’elle parle... 

-Non, elle ne dit rien ! 

-Chut, attends… 

-Quoi ? 

-Chut, je n’entends pas ce qu’elle dit… 

-Qu’est-ce qu’elle dit ??? 

-Elle dit… elle dit que tu iras à l’école en octobre.

Commentaires

  • comment me mettre les larmes aux yeux un dimanche soir...

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