Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • En chemin (II)

    Comment vous transporter vraiment jusqu'à Ambodiafontsy ce 12 juin ?

    Voici quelques regards croisés...

    Ceux de Lova, Hery et Faniry sous le préau, ils viennent d'apprendre qu'ils iront à l'école en septembre...


    Ceux des parents de Sandrah et Hajaina, heureux de signer pour bousculer ce fichu destin...


    Signer vraiment, être acteurs de ce changement...


    Et puis ceux de leurs chants, de leurs rondes, de leur allégresse...


    J'allais oublier... Soyez en forme le 15, parce que la Team de Pokanel le sera, parce qu'on vous voudrait aussi vivants que les enfants de l'autre côté, là-bas. Avec des regards aussi enthousiastes et rieurs.

    Vous savez quoi ? Vous n'aurez qu'à être formidables ! On n'a qu'à faire comme ça.

  • En chemin (I)

    Au mois de juin, j'ai retrouvé pour une semaine mon taxi-brousse préféré, celui de la ligne G d'Antananarivo vers Ambodiafontsy.

    Une semaine rythmée à Tana pour voir Nicole, rencontrer et convaincre de futurs sponsors pour le prochain rallye parisien, travailler sur nos futurs projets au dispensaire, y apporter du matériel médical neuf et des médicaments, remettre les bourses d'études pour la rentrée de septembre et faire vos courses.
    Donc ce 12 juin, j'ai retrouvé mon taxi-brousse sous le soleil, à côté d'Anosy.
    A mon arrivée, il n'y a que 4 personnes à l'intérieur. Mais pas de fausse joie, ça ne veut pas dire que ce matin, c'est voyage "chacun son siège et respiration pour tous"... ça veut juste dire qu'on a le droit d'attendre jusqu'à ce que le bus soit vraiment plein pour espérer démarrer.

    Alors l'attente commence... Pour aider le mouvement, je fixe chaque passant sur le trottoir en essayant de l'hypnotiser genre "Monte... Monte... Monte dans ce bus... Tout de suite !!!" mais on est loin de l'émeute, faut encore travailler la pratique...

    A l'intérieur du bus, vous remarquerez l'affichage des règles à observer et le nombre de places disponibles. En position debout, c'est double zéro, c'est clair. Mais question nombre de places assises, un oubli malencontreux fera que vous ne vous étonnerez qu'au dernier moment que quelqu'un s'asseoit l'air de rien sur... vous

    Finalement, le bus se remplit soudainement et notre caravane se met en marche.


    Trente minutes plus tard, j'arrive à Ambodiafontsy, heureuse de laisser là mon "voisin du dessus" et son pull en laine qui m'a transformée en Bob l'éponge prête à rendre un litre d'eau...

    Je quitte le bus et la route pour remonter la piste vers le village, direction l'école.
    La distance qui m'en sépare me permet à chaque fois de me rappeler ce qu'on fait ici. Combien ce chemin-là compte pour Anita et moi, combien il est chargé de nos émotions partagées, parsemé de ce qui nous fait sourire, avancer ou nous révolte.
    A chaque pas, j'entends la voix de Bebe qui nous rappelle si souvent combien la seule chose dont nous avons tous besoin est de courage, ce mot qu'elle nous offre avec amour et sagesse comme un talisman, je le vois partout. Tout sur ce chemin respire le courage, des femmes sans âge aux tout-petits déjà si grands. Du silence qui enveloppe les peines au sourire qu'on offre malgré tout.

  • La lettre

     

    Elle est arrivée ce matin.

    Postée du quartier d'Analakely, elle a voyagé pendant deux semaines.

    Ce "Madame Nathalie" écrit avec application... L'expression me transporte immédiatement à Madagascar bien sûr, je n'ai qu'à me retourner pour être au marché, au milieu des petits étals multicolores.
    Ce "Madame Nathalie" qui me colle aux oreilles où que j'aille, parce que j'ai beau dire "Pas besoin du Madame, juste Nathalie, ça sera très bien", c'est peine perdue... L'usage veut qu'à Madagascar, on marque le respect envers son interlocuteur en faisant précéder son prénom du Mademoiselle/Madame/Monsieur.

    La lettre dit que nous nous sommes croisées à Ambodiafontsy au mois de juin, qu'elle est allée chercher les parents de Faniry pour moi, qu'elle n'a pas osé venir me parler, qu'il y avait beaucoup de gens, trop pour qu'elle n'ose prendre le temps de chercher ses mots... Peur de manquer de temps pour me parler "directement"...

    Je me replonge dans cette journée où j'ai remis les bourses d'études à l'école, j'essaie de me souvenir de l'arrivée des parents de Faniry, de qui les accompagnait, je devine une silhouette en blouse blanche, peut-être un visage, je ne suis pas sûre.

    Je me rappelle que je suis restée deux heures à attendre en plein soleil, à fouler de mes tongs la latérite de la cour, parce que la directrice ne m'attendait que dans l'après-midi, que l'école était déserte, que le message n'était pas bien passé, que j'avais oublié de prendre des bonbons pour les petits, qu'il y avait le mot Love cousu sur mon pantalon.

    La lettre dit qu'elle s'appelle Jeannine, qu'elle est institutrice pour les plus petits et qu'elle ne parle pas le français. Mais qu'elle "doit" écrire cette lettre.

    Je balaie ma mémoire pour en extirper une image, je revois tous ces petits tabliers bleus, les roulades dans l'herbe à l'insu de la directrice, les joyeuses bousculades autour de la caméra, les parents lissant leurs vêtements sous le petit préau, mais je ne vois pas Jeannine.
    Il faudrait pouvoir tout capter, voir les signes, reconnaître les espérances, les regards, n'en rater aucun, ou ne jamais le savoir pour n'en regretter aucun.

    La lettre est l'histoire de millions d'autres Jeannine à Madagascar, l'argent qui manque et l'école à quitter brusquement pour devoir travailler. Simplement.
    Et puis une lettre pour inverser le destin de ses soeurs qui ne retourneront pas au collège en septembre. Ce n'est pas une supplique, juste une espérance, celle de "votre arrivée ici encore qui peut m'aider de résoudre l'écolage à payer. Selon la possibilité qu'il y en a".

    Et tout parait si possible, quand on s'y met un peu.

    J'ai un rallye à inventer et une lettre à écrire.