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  • Le sourire de Hanja

    J'essaie de vite mettre de l'ordre dans toutes les listes des 800 enfants bénéficiaires de notre cantine gratuite à Tana. Pour l'instant, tout est manuscrit et en photos, un patchwork rose et blanc dans la mémoire de mon téléphone, si je ne savais pas ce que c'est, je trouverais cela artistique. Il faudrait que tout soit sous excel avant la fin du we pour qu'Anita puisse ensuite donner à l'ensemble, l'efficacité de la gestion et du suivi dont elle a le secret.

    Je me souviens du moment où on m'a donné la liste des petits orphelins, 51 enfants entre 3 et 9 ans qui dorment dans la rue et viennent à 6h le matin se laver au robinet de la cour avant le début de la classe à 6h30. 2 pages A4. J'ai fait répéter le nombre pour être sûre d'avoir bien compris. 

    -"Qu'est-ce que tu veux faire pour eux ? Tu les "prends" aussi à la cantine ?"
    -"Oui, on s'arrangera". Il y a des questions qui n'en sont pas vraiment. On ne parle pas d'une portée de chatons pour laquelle on se demanderait si on en sacrifie une partie, on parle d'enfants, de petits êtres humains... J'essaie de rappeler cette évidence à chaque fois que les chiffres seuls s'imposent dans les discussions à l'hôpital ou à l'école et que le fatalisme me glace. Nous n'avons pas encore la solution mais nous allons la chercher, donc nous en trouverons une... 

    À ce moment-là, le petit Hanja est entré avec son grand sourire et m'a dit "On va sur le chantier mesurer les tables ?" (Hanja et sa passion pour le ruban de 5m)
    -"Oui, on y va !"

    J'ai lancé un regard interrogateur au secrétaire pour savoir si Hanja était bien sur la liste afin d'avoir sa carte de cantine gratuite, il l'avait omis et a corrigé l'oubli en rouge. 52 donc. 
    Entre temps, nous avons trouvé une nouvelle idée de source de financement pour la cantine, c'est l'effet inspirant du sourire d'Hanja !

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  • Une de vos minutes

    Je suis sincèrement touchée par les propositions des personnes qui me disent "j'aimerais venir vous aider à Madagascar", j'en retiens toute votre gentillesse. Pour le reste, je pense que personne n'est prêt à vivre ce que nous vivons, parce que c'est la plupart du temps humainement insupportable. Ou inacceptable de le supporter.

    Dans le meilleur des jours, vous devez remplir le tonneau des Danaïdes, recommencer sans cesse ce qui a été mis en place la veille, soit parce que cela a été détruit par une inondation, soit parce que cela a été volé, soit parce qu'on vous a dit "d'accord pour demain" mais que le lendemain il n'y aura personne. Le pire des jours, vous aurez un enfant mort de faim dans les bras. Quelqu'un le déposera dans vos bras dans un linge sale en disant "maty izy" (il est mort) comme si allait émaner de vous le pouvoir de le ressusciter. Ce ne sera jamais le cas et la seule chose à battre dans vos veines sera le désespoir.

    La plupart des jours "normaux", vous serez au travail à 6h jusqu'à 22h, il n'y aura ni eau potable, ni électricité, il fera 30°C, il n'y aura pas la mer, pas de lémurien, pas de baobab, vous serez fatigué(e) et vous ne pourrez pas vous plaindre, parce que l'expression de votre fatigue pourrait être le gramme de fatigue de trop à supporter pour le reste de l'équipe.

    Pokanel aura 15 ans d'existence ce mois-ci, on pourrait avoir eu le temps de se "blinder" un peu, ce n'est pas le cas, et heureusement d'ailleurs, j'y vois le signe que nous ne perdons rien de notre humanité. Je pense qu'il est légitime d'être bouleversé(e) quand la situation est bouleversante, à part être cynique, je ne vois pas comment il en serait autrement. 

    Vendredi, Kevin me disait "Mais... tu pleures ?" dans le couloir du service pédiatrique. Je sortais de la quinzième chambre où des mamans m'avaient suppliée de sauver leur enfant d'une mort imminente en leur achetant du lait thérapeutique ou des antibiotiques, pour découvrir dans la salle suivante le petit Tsiresy âgé de 4 jours, sa maman est morte d'une fièvre puerpérale lors de l'accouchement, le bébé a contracté lui aussi la fièvre et se bat pour y survivre. Sa grand-mère a mis le petit dans mes bras en me disant "Sauvez-le s'il vous plait, emmenez-le avec vous", j'ai recouché le bébé, j'ai noté les médicaments nécessaires, j'ai parlé de courage, de courage et encore de courage je crois, et j'ai refermé la porte derrière moi. 
    Et quand Kevin m'a dit "mais tu pleures ?", j'ai dit "Oui, parce que c'est trop. C'est trop triste, trop injuste, trop brutal pour ce petit et sa mère, pour toute sa famille, parce que c'est d'un autre âge de mourir d'une fièvre en accouchant. Je pleure de trop de rage et de tristesse, laisse-moi pleurer et respirer une minute s'il te plait, une minute avant d'entrer dans la chambre suivante".

    Si vous voulez efficacement offrir une de vos minutes à Pokanel, nous vous en serons infiniment reconnaissantes. Vous pouvez la consacrer à trier vos médicaments non périmés pour notre pharmacie gratuite, à trier les livres de vos enfants de 3 à 6 ans pour notre bibliothèque, à rassembler vos pièces de 10 centimes ( = 1 repas) et celles de vos amis, collègues, famille pour notre cantine scolaire en faveur de 750 élèves de primaire malnutris et 50 orphelins de 3 à 9 ans vivant dans les rues d'Antananarivo. Vous pouvez envoyer les médicaments et les livres à Pokanel 109 rue du BAC 75007 Paris et déposer vos pièces sur la cagnotte paypal de la cantine ici : https://paypal.me/pools/c/8ayagzDSSq

    Merci de vos minutes qui comptent.