Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Une de vos minutes

Je suis sincèrement touchée par les propositions des personnes qui me disent "j'aimerais venir vous aider à Madagascar", j'en retiens toute votre gentillesse. Pour le reste, je pense que personne n'est prêt à vivre ce que nous vivons, parce que c'est la plupart du temps humainement insupportable. Ou inacceptable de le supporter.

Dans le meilleur des jours, vous devez remplir le tonneau des Danaïdes, recommencer sans cesse ce qui a été mis en place la veille, soit parce que cela a été détruit par une inondation, soit parce que cela a été volé, soit parce qu'on vous a dit "d'accord pour demain" mais que le lendemain il n'y aura personne. Le pire des jours, vous aurez un enfant mort de faim dans les bras. Quelqu'un le déposera dans vos bras dans un linge sale en disant "maty izy" (il est mort) comme si allait émaner de vous le pouvoir de le ressusciter. Ce ne sera jamais le cas et la seule chose à battre dans vos veines sera le désespoir.

La plupart des jours "normaux", vous serez au travail à 6h jusqu'à 22h, il n'y aura ni eau potable, ni électricité, il fera 30°C, il n'y aura pas la mer, pas de lémurien, pas de baobab, vous serez fatigué(e) et vous ne pourrez pas vous plaindre, parce que l'expression de votre fatigue pourrait être le gramme de fatigue de trop à supporter pour le reste de l'équipe.

Pokanel aura 15 ans d'existence ce mois-ci, on pourrait avoir eu le temps de se "blinder" un peu, ce n'est pas le cas, et heureusement d'ailleurs, j'y vois le signe que nous ne perdons rien de notre humanité. Je pense qu'il est légitime d'être bouleversé(e) quand la situation est bouleversante, à part être cynique, je ne vois pas comment il en serait autrement. 

Vendredi, Kevin me disait "Mais... tu pleures ?" dans le couloir du service pédiatrique. Je sortais de la quinzième chambre où des mamans m'avaient suppliée de sauver leur enfant d'une mort imminente en leur achetant du lait thérapeutique ou des antibiotiques, pour découvrir dans la salle suivante le petit Tsiresy âgé de 4 jours, sa maman est morte d'une fièvre puerpérale lors de l'accouchement, le bébé a contracté lui aussi la fièvre et se bat pour y survivre. Sa grand-mère a mis le petit dans mes bras en me disant "Sauvez-le s'il vous plait, emmenez-le avec vous", j'ai recouché le bébé, j'ai noté les médicaments nécessaires, j'ai parlé de courage, de courage et encore de courage je crois, et j'ai refermé la porte derrière moi. 
Et quand Kevin m'a dit "mais tu pleures ?", j'ai dit "Oui, parce que c'est trop. C'est trop triste, trop injuste, trop brutal pour ce petit et sa mère, pour toute sa famille, parce que c'est d'un autre âge de mourir d'une fièvre en accouchant. Je pleure de trop de rage et de tristesse, laisse-moi pleurer et respirer une minute s'il te plait, une minute avant d'entrer dans la chambre suivante".

Si vous voulez efficacement offrir une de vos minutes à Pokanel, nous vous en serons infiniment reconnaissantes. Vous pouvez la consacrer à trier vos médicaments non périmés pour notre pharmacie gratuite, à trier les livres de vos enfants de 3 à 6 ans pour notre bibliothèque, à rassembler vos pièces de 10 centimes ( = 1 repas) et celles de vos amis, collègues, famille pour notre cantine scolaire en faveur de 750 élèves de primaire malnutris et 50 orphelins de 3 à 9 ans vivant dans les rues d'Antananarivo. Vous pouvez envoyer les médicaments et les livres à Pokanel 109 rue du BAC 75007 Paris et déposer vos pièces sur la cagnotte paypal de la cantine ici : https://paypal.me/pools/c/8ayagzDSSq

Merci de vos minutes qui comptent.


Les commentaires sont fermés.