(Durée de lecture estimée à moins d’´1’30, gain pour l’humanité inestimable, allez-y).
Je regarde les beaux gilets de bébés qui sont sur mon bureau cet après-midi et je suis profondément touchée par le geste de Daniele, généreuse arrière grand-mère qui m’a fait la surprise de tricoter avec talent de très jolis vêtements pour les bébés hospitalisés dans le service pédiatrique le plus démuni d’Antananarivo (et sûrement au triste palmarès des plus pauvres au monde aussi).
Sur les hauts plateaux malgaches, la température peut chuter de 20 à 25 degrés dès que le soleil se couche à 18h et les petits sont souvent transis de froid.
Donc, ces gilets chauds, en laine, sont... précieux. Je cherchais le mot mais c’est bien plus encore.
Daniele les a tricotés expressément pour ces petits, elle les a sûrement imaginés et vus portés en alignant toutes ses mailles une à une. C’est ce qui me touche le plus, ce supplément d’âme de Daniele glissé entre les mailles de laine. Les petits bénéficiaires seront trop petits pour parler mais je sais que leurs parents auront les yeux pleins de larmes de gratitude et de joie.
Les mêmes que les enfants à chaque rentrée scolaire lorsque nous redistribuons les stylos offerts à Pokanel par le centre de production BIC. Les enfants de 11ème expriment toujours cette stupeur devant les stylos, « Mais ils sont... neufs ?? ». Intérieurement cette question me fend le cœur, à voix haute je réponds « Oui, ils sont neufs. Il faut qu’ils soient neufs pour que tu aies l’encre nécessaire pour écrire et bien travailler toute l’année ».
La réalité est que ces enfants subissent encore et encore la double, triple, quadruple peine de la pauvreté financière, directement quand il s’agit par exemple de ne pas pouvoir aller à l’école parce que leur famille n’ont pas les moyens de payer l’écolage (frais d’inscription mensuels, même de quelques centimes), mais aussi insidieusement et de manière récurrente quand il s’agit de recevoir quelque chose qui n’est jamais neuf, qui à l’origine n’était jamais pour eux. Sous-entendu, « c’est mieux que rien pour toi qui n’a rien », c’était petite violence-là, répétitive, visant toujours le même endroit de fierté du cœur, est pour moi un boulet au pied de chacun de ces enfants.
J’ai entendu et je continuerai d’entendre des centaines de fois « mes 4 enfants l’ont usé mais ça pourra bien leur servir, non ? », « j’allais le jeter, je te le donne », etc, je m’efforce de ne rien y voir de plus que de l’inattention, en revanche je veux absolument que les enfants ressentent notre attention, la mienne et celle du reste de l’équipe, que le don compte pour sa nature mais aussi pour la fierté qu’il insuffle. J’assume contre l’avis assez général qu’il faut être exigeant, qu’il faut transmettre aux enfants le goût des bonnes et belles choses, à Madagascar comme ailleurs, que ce ne sont pas des « enfants pauvres », ce sont des enfants avec une sensibilité d’enfant, et que cette sensibilité doit être guidée vers des valeurs positives et pas malmenée parce que nous, adultes, aurions estimé « que c’est assez bien pour eux » par la convergence d’un tas de données et d’expertises dont on aurait le secret...
Merci infiniment à Daniele.