Les jolies choses
Quand on me parle d'humanitaire, j'entends souvent "utilitaire" et j'ai aussitôt l'impression qu'on cherche à me placer un kangoo ou autre truc moche sur 4 roues dans lequel je m'époumonerais à parler à mon voisin.
Du coup, j'ai l'oeil soupçonneux et même l'esprit ailleurs quand on me force la main à être utile et à sauver la planète (j'ai déjà du mal à ne pas laisser brûler un plat dans le four...).
"Ouuuuuuh ! Remboursez !" crie la foule dépitée.
On ne rembourse rien du tout.
Parce qu'à voir certaines réactions outrées quand on s'écarte légèrement de l'humanitaire classique et du premier degré, il faudrait être quasi candidats à la béatification pour en faire, de l'humanitaire...
Je dis ça... mais Anita et moi, on a bien cherché à faire bonne figure, voire à tromper le chaland... en investissant dans la panoplie humanitaire...
Mais on mettait une heure à s'habiller et faire le drapé de la tenue, donc on a tout de suite arrêté les frais. Et décidé de faire comme bon nous semblait...
Comme on le sent, donc.
Distribuer du riz quand les rizières sont ravagées...
Scolariser les enfants, apprendre aux petits à se brosser les dents pour ressembler à Brad et Angelina à eux-même mais avec des dents quand ils seront grands...
Plein de choses qu'on n'étale pas forcément devant vos yeux saturés, plein de choses utiles, mais qui ne nous suffisent pas...
Les briques se transforment en murs, les médicaments soulagent enfin, les puits fournissent l'eau, les enfants lisent et comptent à présent, c'est déjà bien et trop peu à la fois.
Alors Pokanel plante des fleurs.
Au printemps, les premières avaient joliment poussé devant les salles de classe, et à cet instant Florentine Ramanambe me disait : "Il faut en planter d'autres, les enfants apprennent à s'en occuper, à y faire attention, il faut qu'ils apprennent ça... qu'on fait de jolies choses à force d'attentions..."
L'humanitaire "inutilitaire", c'est tout nous ça !
On passe du temps à faire parler les pierres, à construire des toboggans pour faire glisser les peines, à fabriquer des goûters inconnus et sucrés, à faire équipe au foot ou au hand, à expliquer le quotidien de ces copains lointains "qui ne dessinent pas de forêts mais plein de voitures", à chasser Karaba autant que les erreurs d'additions...
On va continuer sans kangoo, à pied, vers l'essentiel mais aussi le merveilleux et l'improbable... Parier que les choses peuvent changer pour qui a l'audace de vivre et de rêver un peu...